Exploration du Siphon de l’Inconnu

2023.07.15 plongée du Siphon de l’Inconnu 

Récit de Stéphane

Parvenus au bord de la vasque, nous sommes sacrément surpris de la clarté : elle surpasse même celle des siphons précédents, très clairs aujourd’hui. Michael se met le premier à l’eau et repère rapidement l’entrée du siphon située dans une sorte de grande alcôve, seulement visible une fois dans la vasque. Le siphon est assez beau – enfin, pour Vallorbe en tout cas ! – mais la puissance du courant nous étonne, malgré l’écoulement toujours assez conséquent qui sort de ce siphon: déroulant le fil, Michael se tracte régulièrement, quant à moi je dois parfois aussi m’accrocher pour l’amarrer. Et pourtant, nous sommes à un niveau d’étiage prononcé. La galerie fait environ de 3 à 5 m. de haut pour environ 4 à 5 m. de large, ce qui en fait un petit siphon pour Vallorbe. La description de ce siphon effectuée par Jean-Jacques Bolanz nous revient durant le trajet, à l’exception d’une vision non relatée dans son texte : en effet, peu avant la sortie, nous distinguons un grand trou noir sur notre gauche, probablement une suite, mais nous convenons de voir déjà ce que notre prédécesseur a décrit. Ainsi, nous sortons du siphon dans une zone boueuse pour constater que son fil est toujours attaché à un rocher sans la moindre trace d’usure apparente, une pensée pour lui. Nous nous disons que, du fait de la faible puissance de son éclairage, Jean-Jacques avait raté cette possible suite de galerie. Le courant a d’ailleurs totalement disparu peu avant la sortie, comme si nous nous trouvions présentement dans une branche annexe (lui-même avait émis des doutes quant au passage principal du siphon).

Sortie amont du Siphon de l’Inconnu

Ensuite, curieux d’enfin voir ce que recouvre sa description (cf Inventaire Jura vaudois partie ouest, tome 4, p. 475), et notamment le passage où il a dû se faufiler entre les blocs, nous allons voir le deuxième siphon qu’il avait aperçu mais pas plongé. À notre soulagement, le trajet est plus facile qu’escompté et nous contemplons ce siphon d’un beau vert. Michael ira jeter un œil avec un masque pour vérifier que le passage est a priori ouvert pour un plongeur, ce qui est le cas aussi loin qu’il puisse voir.

Le fil posé par JJ

Impatients de remonter vers l’amont, nous nous remettons bientôt à l’eau et constatons que le grand volume noir conduit seulement à deux trémies étroites au-dessus desquelles tombent bientôt de gros paquets d’argile. Et c’est donc dans une visibilité réduite que nous fouillons toute la zone où le courant pousse et celle… où, brusquement, on ne le sent plus du tout. Mais bon sang, impossible de voir d’où provient ce courant, mystère ! Et notre galerie imaginée s’estompe aussitôt, contrairement à la touille qui nous contraint à revenir vers l’entrée, en faisant quand même un croquis du siphon, poussés par le courant. Et nous entamons bientôt le chemin du retour après la mise à l’abri du matériel dans les dépôts successifs.

Il est clair que nous reviendrons pour essayer de trouver l’arrivée de l’eau en nous séparant et en faisant attention à ne pas troubler cette dernière et, évidemment, pour plonger ce deuxième siphon.

Stéphane

TPST : 14 heures

  

Le nouveaux siphon à plonger

La grotte de Vallorbe, une relation qui dure depuis plus de 30 ans

Par Luigi Casati, 10 juillet 2023

Au début, la progression était difficile et fatigante, car une fois la partie touristique terminée, il fallait faire quelques escalades exposées, marcher dans des zones boueuses où l’on s’enfonçait jusqu’aux genoux. Un premier siphon a limité l’aide des plongeurs spéléologues. Au-delà du siphon, il restait environ un demi-kilomètre à parcourir dans la boue, en combinaison néoprène (la température de l’eau en hiver est de l’ordre de 3 à 4 degrés), en descendant avec deux bouteilles de 12 litres, sur des échelles spéléologiques, pour enfin atteindre le siphon appelé, non sans raison : Désespoir.  Une fois dans l’eau, on s’équipait en nageant à la surface, sans pouvoir se poser sur un rocher. Actuellement, il ne reste plus que la longueur du parcours ; car au fil du temps, les montées les plus difficiles ont été équipées d’abord d’échelles, maintenant d’échelles rigides, les zones boueuses sont franchies par des passerelles horizontales en bois ou en aluminium, le premier siphon est vidé par une pompe qui permet le passage avec un canot pneumatique, et le Désespoir est atteint par des échelles rigides en aluminium ainsi que par une plate-forme confortable au bord de l’eau.

JJ remonte à l’échelle le puits du Désespoir (env. 1990)

 

J’allais aider Jean-Jacques Bolanz avec le toujours présent Patrick Deriaz et nous avions la chance de trouver de nombreux porteurs car, en circuit ouvert, il y avait beaucoup de matériel à transporter et les spéléos qui passaient le premier siphon pour aider étaient toujours au moins deux. Maintenant, avec l’utilisation des recycleurs et l’amélioration de l’itinéraire, tout est plus facile. Mais nous manquons souvent de main d’œuvre pour nous aider jusqu’au Désespoir. Pendant tout ce temps, Michael Walz et Stéphane Girardin ont pris en charge le travail de préparation et ont mis beaucoup d’énergie à simplifier les explorations au fond au fil des années.

À partir du moment où nous avons commencé à utiliser des recycleurs, nous n’avons heureusement plus eu beaucoup de problèmes et les explorations ont toujours été couronnées de succès. En circuit ouvert, il y a eu beaucoup d’échecs dus à toute une série de problèmes qui ont été résolus au fil du temps. En hiver, il y avait des problèmes de givrage des détendeurs à cause de l’eau froide, des combinaisons qui se cassaient et obligeaient à passer le siphon trempé dans l’eau glacée, du carbure pour éclairer les galeries sèches entre les siphons, etc. Je me souviens qu’après avoir eu un énième problème avec le détendeur givré, je suis sorti et je suis allé d’une traite du Désespoir à la sortie de la grotte, dans une combinaison néoprène 6 mm peu encombrante, avec le bi 12l sur le dos. Il est vrai qu’il y a deux ans avec Stefan nous étions sortis, après 16 heures dans la grotte, avec le recycleur sur les épaules, mais avec une combinaison 2-3 mm moins encombrante.

Cette semaine d’exploration du 1er au 9 juillet était prévue de longue date. En raison d’une violente averse qui a fait monter le niveau de l’eau dans la grotte, elle a été repoussée une énième fois de quelques jours. Finalement, le 3 juillet, un joyeux petit groupe composé d’Adrien, Léo, Louis, Michael, Patrick, Stéphane et moi-même apporte le matériel nécessaire au Désespoir. Tout est prêt pour le 5 juillet, mais pendant la nuit et tôt le matin, la pluie tombe abondamment et gâche nos plans. Parfois, les crues arrivent à la source en 6 heures et être dans les siphons au-delà du Désespoir, qui ont normalement un fort courant et une visibilité potentiellement réduite, n’est ni sûr ni beau. Nous décidons donc d’attendre un jour. Ponctuels, comme le veut la tradition, Michael, Patrick et Stéphane me rejoignent au parking de la grotte à 0900 le matin du 6 juillet. En regardant le capteur positionné dans la grotte indiquant la température et le niveau d’eau, nous nous rendons compte que la crue est arrivée ce matin-là et, après concertation, nous décidons de la reporter à un autre jour. Le 7 au matin, même heure, même endroit, nous plaisantons sur la visibilité de l’eau, le seul paramètre que nous ne pouvons pas connaître, mais tout le reste est presque parfait. Nous entrons dans la grotte un peu avant 10 heures et, une fois arrivés à pleine charge, nous sommes conscients qu’il s’agit de la dernière occasion possible. A 11h30, nous avons déjà la tête sous l’eau. Michael, Stéphane et moi passons le siphon, Patrick rentre à la maison. Mesure de l’oxygène dans l’air : 15%. C’est un problème qui est apparu ces 10 dernières années probablement à cause des périodes sèches, donc peu d’échange d’eau à l’intérieur de la grotte, mais aussi à cause de l’eau des lacs au-dessus du plateau qui a une quantité d’oxygène très faible par rapport à la moyenne et qui alimente le débit de l’aquifère.

15% d’oxygène, ce n’est pas peu par rapport à la montagne mais, dans notre cas, le problème se pose à cause de la plongée qui, pour des raisons évidentes, nous expose à l’hyperoxygénation et, une fois passé le siphon, nous respirerions dans un milieu hypoxique. La respiration et la progression sont plus fatigantes, au moins pendant la première heure.

Départ dans le Désespoir depuis la plateforme

 

En dehors d’une respiration plus rapide, nous progressons en douceur. Michael et Stéphane utiliseront pour les prochains siphons, un circuit ouvert tandis que j’utiliserai le mini recycleur que j’ai fabriqué moi-même. Nous nous relayons pour porter le recycleur, qui est assez lourd avec ses 24 kg, mais ce n’est pas comme si les sacs spéléo, contenant les différents matériels, pesaient beaucoup moins. Comme prévu, dans les siphons au-delà du Désespoir, le courant se fait sentir mais la partie la plus difficile se situe entre le deuxième (siphon de l’Obstination) et le troisième siphon (siphon des Porteurs BCDEFGJLMPRSTVW). Il faut ensuite remonter dans la salle du Millénaire pour atteindre le quatrième siphon, découvert il y a de nombreuses années en compagnie de Jean-Jacques. Devant le quatrième siphon on analyse l’oxygène et comme par magie ici le pourcentage est d’environ 16,5% et la température de l’eau de 11 degrés. La température de l’eau dans cette grotte varie beaucoup selon la saison, car le bassin d’absorption est proche de la surface, environ 150-200 m, et l’arrivée de l’eau est rapide.

J’ai passé les quatrième et cinquième siphon en solo en 2015, mais accompagné et aidé par Stéphane jusqu’à la fin de la salle du Millénaire.

En 2021, il est décidé de franchir les deux siphons et d’explorer les galeries sèches à deux plongeurs spéléos : Stéphane et moi. Après un petit parcours aérien d’environ 50 m, nous nous sommes retrouvés au bord du sixième siphon.

Nous avons été galvanisés en découvrant le monstrueux sixième siphon, qui ressemble à un triangle de 60-70 m de long sur 25-30 m de large (mesures plus réalistes que lors de l’exploration). Il s’en est suivi une petite exploration presque verticale, commençant à peu près à la moitié du lac, d’une longueur d’environ 50 m jusqu’à -30 m, avec une visibilité d’un mètre. Le diluant utilisé dans le recycleur pour économiser l’oxygène était à 40%, donc à -30 m j’ai été obligé de m’arrêter. Une série d’abandons, liés aux conditions météorologiques, et nous voilà aujourd’hui.

Le plongeur moderne

 

Cette année, la stratégie est différente : plongée en solo avec Stéphane en soutien jusqu’au sixième siphon tandis que Michael s’arrête au début du quatrième siphon. De cette façon, nous serons plus rapides et plus légers. Au printemps, Michael et Stéphane ont déjà apporté deux bouteilles de 12 litres remplies de 18-60 trimix au début du quatrième siphon afin de pouvoir aborder le sixième siphon avec un gaz plus approprié et dépasser la limite de la dernière fois.

« Exploration » est un terme couramment utilisé et parfois galvaudé qui signifie aller là où l’on ne sait pas. Cet inconnu stimule l’imagination de l’explorateur et comme toujours, la grotte ne manque pas de surprises.

Première hypothèse : si nous étions dans une gigantesque fracture, puisque la dernière plongée nous a amené rapidement à -30 m, nous pourrions descendre encore plus bas que la profondeur du Désespoir, qui est le plus grand des siphons présents. Sans vouloir exagérer, nous nous sommes fixé une limite autour de -70 m, en pensant à une éventuelle urgence en circuit ouvert, avec seulement un nitrox 40 de décompression.

Deuxième hypothèse : si nous remontions plus ou moins vite dans l’air, cela nous permettrait de continuer à deux, et lors d’une exploration ultérieure nous aurions les bouteilles pour nous deux déjà dans la grotte.

Malgré les caprices de la météo, la visibilité est d’environ 3 m, ce qui n’est pas beaucoup, mais en raison de la taille des tunnels, mais certainement dans cette grotte, c’est une très bonne condition. Une fois rafraîchi par des barres énergétiques, je me prépare et atteint rapidement le terminus de la plongée précédente, quitte le nitrox et, attaché à la ligne, descends. Je touche le fond à -34 m. L’exploration, c’est aussi un ensemble de sensations qui vous font décider où aller, quoi faire, quand vous n’avez pas de repères clairs.

Je sens le courant contre moi, ce qui signifie que l’itinéraire est bon. Je continue sur environ 40 m, puis je suis un mur que je trouve devant moi ; je monte jusqu’à -4 m, à 120 m de l’entrée et je suis sous un plafond plein d’érosions chimique-mécaniques, d’une beauté inouïe. Pour l’instant elles ne restent que dans ma mémoire et je n’aurai rien à montrer car je n’ai pas de micro-caméra.

Redescendu à -30 m, je retrouve le courant et peine à avancer à cause d’un rétrécissement de 2 m de hauteur sur 4 à 6 m de largeur. Passé ce cap, la situation se normalise. Lorsque j’ai besoin de reprendre une respiration correcte, je ralentis, et heureusement le recycleur me permet une bien plus grande autonomie que le circuit ouvert et donc une plus grande liberté de mouvement dans l’espace.

Il est difficile de comprendre où aller, d’évaluer la taille du tunnel, mais heureusement avec ce courant j’ai un « ennemi » pour m’aider à trouver mon chemin. Je monte à -21 puis redescends à -34 : je vois le fond 3 m plus bas. Par chance, je termine ma ligne à ce moment-là. Il ne me reste plus qu’à terminer mon exploration. J’ai juste le temps de voir la direction 200-220 degrés de la boussole et cela me fait comprendre que je suis dans la bonne direction dans une zone où une grande faille est visible même superficiellement. Même si cette fois c’est le fil qui a arrêté l’exploration, la satisfaction du résultat obtenu, 145 m de nouvelle exploration (température de l’eau dans le sixième siphon 10 degrés), est à mettre sur le compte d’un travail d’équipe particulier d’amis qui se sont engagés à me faciliter la vie en utilisant beaucoup de leur temps. Ce résultat, permet de fantasmer sur la suite, qui ne sera pas à une date trop lointaine, du moins pour moi qui ai eu 59 ans avec un corps qui n’est pas tout à fait neuf des activités passées. Ces 13 heures de grotte, soutenues par un entraînement peu intense, ont surtout pesé sur mon dos. Certes, tant que ma tête continuera à me faire rêver, j’accepterai les efforts du jeu.

Ad maiora

Les photos du siphon du Désespoir et de la salle du Millénaire

Equipé d’une gopro, Michael et Stéphane ont pu réaliser quelques films du siphon du Désespoir et des galeries qui mènent à la Salle du Millénaire.

Grâce à un patient travail de Stéphane, quelques photos ont pu être extraites du film.

Le 6eme siphon

Récit de Gigi

« Le sixième siphon a la même forme que le Désespoir, avec une petite différence : il est au moins deux fois plus grand. La crainte est grande que le siphon devienne très profond, ce qui est limitatif avec des bouteilles remplies de 40% de nitrox. Le choix du nitrox à 40% était basé sur les quatre siphons précédents. L’oxygène supplémentaire aiderait aux plongées s’il y avait un problème avec le recycleur.

La plongée dans le sixième siphon fut une première reconnaissance intéressante, qui nous a coupé les jambes, comme cela arrive souvent quand on est optimiste et qu’on se laisse emporter par l’enthousiasme, mais qui nous permettra de réfléchir et de développer une meilleure technique pour les explorations futures.

Nous avons atteint une profondeur de 30 m à 40 m de l’entrée ce qui, ajouté aux 100 m de la dernière sortie, ajoute 140 m de développement à cette incroyable et gigantesque grotte ».

Une coupe développée de la grotte de Vallorbe (réalisée par Rémy Wenger) Vallorbe_Etat_2021

Déballage entre le S4 et le S5

 

Entre le siphon 4 et le 5. A chaque fois, il faut mettre le matériel dans le sac, le porter, et ensuite au bord du siphon procéder à une vérification complète du recycleur.

 

Sortie du S5 vers le fond !

 

Le 6eme siphon contemplé par Stéphane (photos de Gigi et Stéphane)

Avec le soutien des grottes de Vallorbe

Exploration : un sixième siphon

Récit de Gigi : traduit avec deepl

Le 24 octobre, je suis retourné à la grotte de Vallorbe, théâtre de plus de trente ans d’exploration. J’ai commencé à accompagner Jean Jacques Bolanz entre les différents siphons (c’était très dur à l’époque). Pendant que Jean Jacques plongeait dans le quatrième siphon j’ai trouvé le quatrième siphon bis qui avec les explorations d’il y a 4-5 ans semble suivre l’axe principal de la grotte.

En compagnie de Stéphane, nous sommes retournés sur mes traces. Pour l’instant nous avons exploré 100 m de nouvelles galeries et tout est prêt pour une prochaine visite. Nous sommes restés 16 heures à l’intérieur de la grotte. Au cours des mois précédents, Stéphane et Michael ont préparé les bouteilles de secours aux points cruciaux. Un grand groupe de spéléologues s’est relayé pour aider à transporter les matériaux jusqu’au premier siphon, le Désespoir.

Un croquis d’exploration de Luigi

croquis explo Vallorbe

Sortie bateau

Mardi soir : portage du matériel du siphon des bloc no 2 jusqu’au Désespoir et mise à l’abri de ce matériel en prévision de la crue de la nuit de jeudi.

Les vaillants porteurs lors de la traversée du lac du siphon des blocs no 2 :

Le dépôt des bateaux à l’abri de la crue

Des explorations, bientôt

Les bateaux sont prêts, la pompe fonctionne, seul le cavelink est un peu récalcitrant. Vu la météo positive on démarre une série d’explorations dès ce week-end pour une bonne semaine.

Durant l’été, Michaël et Stéphane ont profité de la moindre fenêtre météo pour réaliser quelques expéditions post Désespoir… Portages de bouteilles, photos…

Nouveau cavelink

Suite à la disparition de la 2G (et quelques crues qui ont noyés le peli-box de la source), il n’était plus possible de connaitre les niveaux d’eau dans la grotte.

Fixation de la sonde de mesure  sur la règle de la source.

Consultation des données : https://www.cavelink.com/me/valo.pdf

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